Tolède, la ville aux trois cultures
Tolède fut chrétienne à partir du IVème siècle, dès l'époque romaine, elle le fut ensuite comme capitale du royaume wisigoth (voir le musée des conciles wisigothiques) et devint un foyer de vie commune entre les trois religions à partir de 711.
Pendant une grande partie de son histoire, Tolède a été considérée comme la ville de la tolérance ou la ville des trois cultures, où cohabitaient ensemble et mélangés dans tous les quartiers, les juifs, les chrétiens et les musulmans, que ce soit à l'époque de la domination musulmane ou celle de la domination chrétienne. Tolérance et respect, qui disparurent définitivement à l'époque des Rois Catholiques.
La structure urbaine de la ville est arabe, avec ses rues étroites et sinueuses, ses maisons aux toits qui se touchent, ses petites places, ses patios où les plantes et les fontaines sont le secret d'une ambiance aux influences orientales. Derrière ses murailles, ses tours et portes fortifiées, protégées par les méandres du Tage, la ville est composée de bâtiments en briques. Impossible à voir depuis la rue, l'intérieur de ces batisses, renferme un luxe de verdure, jeux d'eau, azulejos et une architecture à la décoration soignée. De la douzaine de mosquées originelles, il n'en reste deux, celle du Christ de la Luz étant la plus connue. La principale mosquée se trouvait sous la cathédrale actuelle.
Le peuple juif vivait dans toute la ville avec, peut-être, une concentration plus importante vers la Puerta del Cambrón. Médecins, conseillers royaux, banquiers, commerçants, les juifs vivaient principalement au-dessus de leurs échoppes et entourés des bâtiments publics indispensables à l'exercice de leur religion et vie en communauté, comme les synagogues ou les bains rituels.
Quand en 1085, Alfonso VI reconquit Tolède, les trois peuples, chacun avec sa religion, coexistèrent et conservèrent leurs coutumes, même si parfois des tensions apparaissaient. Au XIIIème siècle, Alfonso X le Sage développa l'école de traduction de textes arabes et juifs qui permit, entre autres, de sauver de l'oubli les œuvres classique grecques et de traduire les œuvres poétiques, médicales, historiques, philosophiques ou scientifiques du monde arabe. À partir du XIVème siècle, la cohabitation devint difficile puis impossible car l'église catholique obligea les populations non chrétiennes à se convertir, par la force si nécessaire, ou à partir. En 1492, il ne restait pratiquement plus rien des autres cultures.
Le musée Séfarade occupe l'ancien couvent des “Chevaliers de Calatrava”, qui fut auparavant la synagogue du Transito. C'est le musée national d'art Hispano-juif et Sefarade et il présente, l'histoire, la vie, les coutumes et la religion du peuple Juif à Tolède et en Espagne. Il fait le récit de la présence ininterrompue des juifs à Tolède depuis les origines jusqu'à leur expulsion en 1492 et leur destinée dans le monde après leur départ forcé. Ces juifs espagnols, appelé Séfarades, s'installèrent surtout au Portugal et en Afrique du nord et emportèrent avec eux leur langue, leurs savoir-faire, leurs connaissances et leur culture.
La fondation de la synagogue au XIVème est due à Samuel Leví, trésorier royal du roi Pedro I de Castille qui le récompensait ainsi de sa fidélité. Le bâtiment est une synthèse des trois cultures et illustre l'assimilation de l'architecture locale par la communauté juive. La grande salle de prière est un exemple de constructions mudéjar. La structure est simple et répond aux besoins basiques de la vie spirituelle avec la niche dans le mur sacré et la galerie des femmes. Ses colonnes et ses arcs polylobés, ses murs décorés en stucs avec des motifs végétaux et des inscriptions en arabe et hébreu, son plafond en bois sculpté aux restes médiévaux polychromés, ses jalousies ouvertes et pleines, mêlent les influences des trois cultures.
La visite du musée Séfarade doit être complétée par celle de la synagogue de Santa María la Blanca toute proche, qui fut transformée en église au XVème siècle. Construite au XIIIème siècle, elle conserve les caractéristiques d'un bâtiment de style mudéjar. Elle se compose de cinq nefs de hauteurs décroissantes vers l'extérieur, appuyées sur des arches en fer à cheval et des piliers octogonaux. Toute la construction est en briques recouvertes, tous les éléments architecturaux sont blanchis et les chapiteaux sont décorés de stucs finement travaillés. Au XVIème siècle on rajouta 3 chapelles qui complètent le chœur.
L'église fut construite pour accueillir le tombeau des Rois Catholiques mais après la prise de Grenade en 1492, les deux époux, Isabel de Castille et Ferdinand d'Aragon, changèrent d'idée et décidèrent que les restes reposeraient dans le tombeau construit dans la chapelle royale de Grenade. L'église est complétée par un cloître carré à deux niveaux, une des œuvres majeures de la fin de l'époque gothique. Cet ensemble, église et cloître, magnifiquement décoré et aux influences mudéjares, porte les armoiries des Rois Catholiques. Il fut réalisé avant la conquête de Grenade et ne porte pas le symbole de cette ville, le fruit du grenadier, qui apparaitra par la suite dans les armoiries du couple.
Toute la décoration, répétitive, est destinée à souligner la magnificence des rois. Isabelle est symbolisée par des faisceaux de flèches qui représentent la force et par la lettre Y, initiale de son prénom selon l'orthographe de son époque. Ferdinand est lui symbolisé par la lettre F et par le joug avec la maxime “ils montent ensemble” qui fait allusion au nœud gordien, coupé par Alexandre le Grand, devant l'impossibilité de le dénouer. La raison d´état choisie ensemble avant la raison individuelle. Les chaines qui pendent des murs extérieurs de l'église furent posées en 1494 comme exvotos et symboles de la foi chrétienne. Elles appartenaient aux prisonniers chrétiens libérés au moment de la prise de Grenade en 1492. Le couvent qui complétait l'ensemble fut pratiquement détruit pendant la guerre d'indépendance contre les troupes de Napoléon I.
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